06 novembre 2022

LA BORNE NATURELLE DES GAULES - JEAN-BAPTISTE CLOOTS

Un objet que la cour de Versailles ne doit pas perdre de vue, c'est de reculer les frontières de la France jusqu'à l'embouchure du Rhin. Ce fleuve est la borne naturelle des Gaules, ainsi que les Alpes, les Pyrénées, la Méditerranée et l'océan.

L'empereur d'Autriche ne demande pas mieux que de s'arrondir vers le Danube, le roi de Prusse vers la Vistule, et la Hollande vers l'Ems. La Valachie et la Moldavie satisferaient le premier. Dantzig, Posnanie et Gnesne satisferaient le second, qui cèderait la Frise aux Hollandais et Clèves à la France. Pour ce qui regarde Spire, Mayence, Trèves, Liège et Cologne, tout cela serait réuni à la Couronne par des arrangements subséquents.
Pour peu que la paix dure et que l'administration tende une main vivifiante sur l'agriculture, les arts et le commerce, et que les abus fassent place à la raison, j'ose prédire qu'avant vingt ans Flessingue, Rotterdam, Wesel et Düsseldorf se féliciteront d'être nos voisins.

Un roi de France qui développerait toutes les ressources économiques de son royaume, qui rendrait à l'industrie des milliers de bras, et de lingots enfouis dans les cloîtres et perdus par l'ignorance des vrais principes, ce roi ferait recevoir facilement un projet qui, ne nuisant à personne, et qui mettant la France dans la véritable assiette, ne lui laisserait plus que le désir et le moyen de voir fleurir l'Europe dans une paix perpétuelle.

Les ennemis du nom français ne manqueront pas de crier ici à l'ambition, au machiavélisme, et d'envelopper toute la nation dans les projets d'un seul individu ; mais j'avertis ces messieurs que je ne tiens de la France ni par la naissance, ni par les emplois. J'y vis avec l'argent que j'y apporte, sans être même naturalisé.

L'avis de Montesquieu est le mien : voyagez en Angleterre, en Hollande, en Allemagne, en Italie, et demeurez en France. Effectivement, que l'on me trouve une nation plus prévenante, plus aimable, plus sociable, et je lui consacre sur le champ toute ma fortune.

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Jean-Baptiste Cloots, Vœux d'un gallophile, s.n., Amsterdam, 1768

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