Où se trouve-t-elle, la France vivante, celle dont le génie doit revivifier sans cesse la démocratie ? A quels traits la reconnaître ? Quel est le visage de celle qui annonce le destin politique de l'humanité parce qu'elle détient la clé de l'avenir de la lucidité ?
La Révolution créatrice a voulu se livrer une fois encore à ses rêves ; mais c'était seulement afin de combler la France en la rassasiant d'images. Puis elle est allée à pas de géant écraser les pires absolutismes du Vieux Continent.
C'est ainsi qu'elle a rappelé à la planète entière que le destin de la liberté est gravé dans l'histoire de l'esprit, parce que son génie habite un "ailleurs".
En 1789, les témoins avaient assisté, médusés, à son soudain avènement. L'élan de sa logique emportait tout sur son passage. En 1989, des peuples entiers se sont arrachés à la glue des jours informes pour courir les risques de la responsabilité politique. A travers eux, l'humanité toute entière, devenue un seul acteur, mettait son ciel en jeu sur le théâtre du monde.
Quand on a vu des nations, appesanties comme des corps morts, remuer soudain leurs membres engourdis et se mettre debout, ne serait-ce que pour quelques mois, on se dit qu'il faut tenter d'entrer dans le sacrilège républicain afin de percer le secret du grand réveil des incandescences.
La France en est à l'heure de son concile de Nicée. La République va-t-elle se déclarer consubstantielle à ses prodiges anciens, ou bien est-il temps, pour elle, de dresser le bilan de sa fécondité et de ses hérésies ? Source d'inspiration pour le poète, sujet de méditation pour l'historien, le politologue, le sociologue et le savant, qu'elle devienne enfin l'objet privilégié de la pensée philosophique ! Puisse la France poser plus que jamais à l'humanité la question la plus féconde – celle de l'avenir de l'intelligence critique et celle du destin d'une vraie liberté.
J'ai rêvé d'observer la flamme allumée par le génie de la France moderne au cœur de la connaissance. Elle creuse des plaies profondes, elle laisse des cicatrices heureuses, elle fait fermenter un sang vivant sous les meurtrissures. J'ai tenté d'approcher des feux de l'avenir et de la raison et j'en ai aimé la brûlure. J'ai laissé la liberté née en 1789 attiser les savoirs à venir ; et quelque fois j'ai cru entendre le pas de la vérité.
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Manuel de Diéguez, Essai sur l'universalité de la France, Albin Michel, Paris, 1991
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