La France est une œuvre d'art : au premier regard, les proportions sont harmonieuses, l'ensemble est homogène. Mais pourvu que l'œil s'attarde, il perçoit rapidement toute la complexité de cette construction pluriséculaire. Rarement on a vu décor aussi travaillé : influences continentales au levant, océaniques au couchant. Transition subtile entre la craie du cap Blanc-Nez et le calcaire des Calanques, entre le granit breton et le grès des Vosges. Territoire balayé par des vents originaires de Sibérie ou du Sahara, auxquels la faune et la flore ont su s'adapter. Vastes plaines, hauts sommets, marais, volcans. A l'autre bout du monde, des lagons paradisiaques et des jungles luxuriantes.
Il semble que la nature ait concentré son talent en cet endroit pour inviter les hommes à s'y installer.
Successivement, tribus du fond des âges, Gaulois à la moustache épaisse, Celtes, Romains bâtisseurs, peuples germaniques, Maures conquérants, Flamands, effrayants Vikings, immigrants européens, africains, asiatiques, bref, nos ancêtres, façonnèrent ce paysage, travaillèrent la terre, la défendirent souvent, y dressèrent châteaux et monuments qui font la fascination et l'émerveillement du monde. Pourtant, malgré cette diversité extrême, tant dans sa géographie que dans sa population, cet ensemble est une nation.
On pourrait dire que la France est un miracle : il n'en est rien. Qu'il y ait eu du génie dans cette œuvre est indéniable. Mais n'est-ce pas avant tout le fruit d'un long travail, d'une construction patiente et minutieuse ? Notre pays, malgré son lien fort à la Chrétienté, n'est pas apparu par l'opération du Saint-Esprit.
Au contraire, il fût forgé par des hommes dans la boue, la sueur, et le sang. Et malgré ces immenses sacrifices, cette œuvre n'est pas achevée, et ne le sera jamais. La France est à l'image de ces grandes bâtisses qui parsèment nos campagnes : il a fallu beaucoup d'efforts et d'attention pour les construire, mais leur entretien est un mouvement perpétuel. Que ce mouvement cesse, et bientôt le jardin s'emplit de mousse et de mauvaises herbes, le toit fuit puis s'effondre, les murs s'écroulent, et ce qui fût autrefois une noble demeure n'est plus qu'un champ de ruines oublié.
Dès lors, comment pourrions-nous être une nation si nous ne nous impliquons pas individuellement dans cette grande aventure collective qui dure depuis quinze siècles ? Comment pourrions-nous, sans prendre part à la construction permanente de ce qu'est la France, avoir conscience de notre bien commun, se l'approprier, le valoriser, et finalement le transmettre ?
Face à ces interrogations, le retour au Service National m'apparaît depuis longtemps comme nécessaire à notre pays. Et il semble que je ne sois pas le seul à faire ce constat : depuis la suspension du Service National en 1996 par Jacques Chirac, un certain nombre de décideurs politiques ont mis en place ou proposé des projets de substitution – JAPD, JDC, Service Civique, Service Militaire Volontaire, Garde Nationale, Cadets de la Défense, etc. Quant aux Français, en 2015 près de 80% étaient favorables à la mise en place d'un service civique obligatoire, et l'année suivante 74% souhaitaient un retour au service militaire.
Mais que veulent ces gens me direz-vous ? N'a-t-on pas assez de devoirs ? Nos impôts ne sont-ils pas suffisants ?
Il me semble que non. Faire de l'impôt et du respect de la loi nos seules obligations, c'est prendre le risque de voir la citoyenneté devenir un simple contrat de prestation de service, c'est déshumaniser notre rapport à la France. Il apparaît au contraire qu'une nation, c'est la coopération et le rapprochement de personnes qui veulent avoir une destinée commune et qui agissent en ce sens, c'est avant tout une aventure collective, la construction sans fin d'une entité qui nous dépasse en tant qu'individu, et qui nous protège du chaos.
Partant de cela, j'ai la conviction profonde qu'il est nécessaire que chaque Français s'implique à titre individuel dans ce projet commun, qu'il prenne sa part d'effort et de responsabilité, qu'il y laisse sa marque et son héritage. beaucoup d'entre nous le font déjà, du fait de leur métier ou de leur engagement. Pourtant, certains se sentent exclus du projet national, d'autres encore le rejette. Cet état de fait est une menace pour l'unité du pays, et donc pour son existence. Alors que de nombreux défis se présentent, l'implication de tous au service de la France doit être renforcée. Affronterons-nous seuls un avenir dont beaucoup pressentent qu'il sera difficile, ou bien ensemble, uni en tant que peuple d'une même nation ?
De nombreuses solutions peuvent être imaginées, qui ne sont pas exclusives dans leur application. Cet ouvrage, en présentant un projet du Service National, est une modeste contribution à l'effort général nécessaire à la pérennité de la France.
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Vivien Destro, Vers le Service National, Editions Perspectives Libres, Paris, 2022
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