Dans son parcours sinueux, la Loire glisse comme une flèche d'argent au centre de la France. Passé le Bourbonnais, son cours se fait plus large et plus serein, et, vers Orléans, elle décrit une large courbe pour rejoindre Blois, traverser la Touraine puis l'Anjou, et retrouver la mer dans la région de Nantes.
Sous les cieux calmes de l'Orléanais et de la Touraine, le fleuve roule ses flots majestueux à travers un merveilleux paysage de roches abandonnées et de collines couvertes de vignoble. C'est la le cœur même du royaume ; c'est dans la beauté de cette contrée, dans la douceur de son climat, dans le charme de ses villes et l'élégance de ses châteaux, dans la langue claire que parlent ses habitants qu'il faut chercher aussi l'essence même de la France. Le ciel, l'eau et les forêts s'y marient avec tant de grâce qu'on ne peut rêver cadre plus parfait pour mener une existence paisible.
Dans ses confortables châteaux, le roi, travailleur infatigable et secret qui aimait à surveiller son royaume en échappant lui-même à toute surveillance, devait trouver un asile idéal, tout comme il devait trouver dans ses bois riches en cerfs, dans les vastes espaces de ses campagnes désertes, un terrain de choix pour satisfaire sa passion de chasseur.
Devenu roi, le temps qu'il ne passa pas sur les routes, Louis le passa sur les bords de la Loire. Dans nombre de ses Ordonnances, il exprima l'amour que lui inspirait son duché de Touraine, "auquel avons été nourri dès notre enfance". Le château d'Amboise, Orléans, Montargis et Tours, où vécu le plus Français des saints, "Monseigneur saint Martin", constituèrent la véritable capitale du roi Louis. Mais ses souvenirs d'enfance et ses goûts personnels ne suffisent probablement pas à expliquer son attachement à la Loire : c'est là en outre que Jeanne d'Arc avait dévoilé sa mission, c'est là qu'elle avait remporté les victoires qui devaient signaler la résurrection de la France et le destin sacré de ses rois.
Louis brûlait de transformer toute chose pour établir un ordre nouveau. Il instaura sans plus tarder des réformes dans le domaine des impôts, et, parmi d'autres hommes talentueux mais sans naissance, il prit à son service plusieurs des anciens associés du grand Jacques Cœur. Les nobles étaient seuls autorisés à acquérir des seigneuries ; il introduisit une politique d'anoblissement pour stimuler l'agriculture et signaler l'intérêt qu'il portait aux classes moyennes. D'autre part, il autorisa les nobles à s'adonner au commerce sans pour autant perdre leurs privilèges. S'attaquant à la bureaucratie du gouvernement royal, il diminua le nombre des offices et exigera un travail plus efficace de ses fonctionnaires. Par son exemple, il encouragea chacun à se montrer plus économe.
Toutes les régions et toutes les institutions de France purent bientôt juger de la volonté de Louis. Les grands organes de la couronne, comme le Parlement de Paris et la Chambre des Comptes, ne tardèrent pas à apprendre que, si le nouveau souverain attendait d'eux qu'il exerçassent leur pouvoir dans toute son étendue, il entendait également les voir se plier à ses ordres, et agir avec efficacité.
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Paul Murray Kendall, Louis XI, Arthème, Paris, 1974
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